samedi 16 mars 2013

10 bonnes raisons de... ne pas (trop) féliciter son enfant !

Comme il est tentant, voir naturel, de s'extasier devant les prouesses de notre tout petit !
Et pourtant, ces félicitations, venues du fond de notre petit cœur de maman fière, supposées encourager notre enfant et lui donner confiance en lui, peuvent avoir l'effet inverse.
Et j'ai beau le savoir, je me laisse parfois entrainée.
Il en fut ainsi lorsqu'en juin dernier, ma Lys a fait un dessin de notre famille que j'ai trouvé (forcément ;) ) absolument exceptionnel ! Digne du Louvre, au moins ! Je n'ai pas contenu mon admiration, je l'ai vraiment félicitée, et je l'ai probablement montré (devant elle...) à toutes les personnes qui sont passées chez nous les jours qui ont suivi.
Les dessins suivants furent des tentatives de bonshommes, très souvent barrés ou arrêtés en cour de route : "J'ai raté" disait-elle. Mais comment peut on rater un dessin à 2 ans et demi ???
Les gribouillis ont repris le dessus pendant plusieurs mois avant que Lys ose enfin dessiner à nouveau un bonhomme. Tout aussi magnifique à mes yeux que les premiers évidemment (si ce n'est plus, après 9 mois d'attente). Mais je me suis contenue (au prix d'un effort énorme)... C'était il y a quelques jours. Et depuis, soulagée de cette pression, elle dessine enfin avec plaisir !
Merci Lys pour cette piqure de rappel !

Voici donc quelques (bonnes?) raisons de ne pas trop féliciter son enfant.

1. Il est fascinant de voir les efforts déployés par ce bébé qui met toute sa volonté à attraper un hochet : il se tourne, se contorsionne, se débat, l'effleure, se tortille, encore un peu et... enfin -si personne n'est intervenu pour lui faciliter la tâche entre temps- sa main attrape le jouet si convoité! Cette seconde là est précieuse pour bébé : il a réussi, il est comblé. Il n'y a qu'à l'observer à ce moment précis pour sentir à quel point sa joie est grande. Et à quel point les exclamations de sa mère "Bravo ! comme tu es grand ! Tu rampes ! c'est formidable !"... euh... comment dire... il s'en contrefiche :) Ce qu'il a fait, il l'a fait pour lui, pas pour nous. Il est auto-satisfait et n'a pas besoin du reste.

2. Cependant, petit à petit, nos encouragements et félicitations vont détruire sa motivation intrinsèque (intérieure); il ne fera plus les choses pour lui mais pour nous faire plaisir. Et petit à petit, le besoin de reconnaissance, s'installera et sera son moteur. Il aura besoin d'être encouragé/félicité/remercié.
Sa motivation sera devenue extrinsèque.

3. De plus, en le félicitant/l'encourageant, nous risquons de l'amener à tenter des choses qu'il ne se sentait pas capable de faire lui même ; s'il nous entend "Vas y mon chéri, tu peux y arriver ! Tu es le plus fort", il peut se lancer et ... ne pas y arriver... et se retrouver dans une situation d'échec...

4. En le félicitant, l'encourageant, nous risquons de le déconcentrer.
L'ambiance montessorienne doit être propice à la concentration, c'est un point complètement essentiel pour que l'enfant absorbe.

5. En le félicitant, nous l'habituons à avoir un regard d'adulte porté sur sa tâche : il perd sa capacité à analyser lui-même son propre travail.

6. Souvent, notre regard est subjectif et nos félicitations ne laissent pas la place à l'expression de son propre ressenti qui peut être différent du notre (ou plus nuancé) : nous nous émerveillerons devant une construction qui ne ressemble pas à ce qu'il souhaitait faire alors que nous serons moins expressif devant un gribouillis qui représente pour lui quelque chose d'important...

7. Si nous prenons l'habitude de féliciter l'enfant à chaque fois qu'il réussit quelque chose, que dirons nous quand il sera confronté à l'échec; ou lorsque sa réussite sera plus discrète ?
Notre absence de félicitations sera perçue comme un échec.

8. Avez vous déjà vu ce petit enfant qui fait un puzzle. Arrivé au bout, sans même prendre le temps de contempler le résultat, il le défait pour le recommencer inlassablement. Pour lui, l'important n'est pas nécessairement l'aboutissement mais le cheminement. L'enfant n'a pas la même perception que nous (qui n'aurons même pas eu le temps de le féliciter du puzzle fini ;) ), son plaisir n'est pas forcément là où on le pense. Nos félicitations peuvent donc tomber à un moment complètement inadéquat !

9. Certaines tournures de félicitations détournent du sujet principal pour se focaliser sur l'enfant, ce qui peut être lourd à porter sur le plan affectif.
Celui qui vient tout fier avec un dessin et auquel on va dire : "Wahou, bravo, comme tu es grand ! Viens que je te fasse un gros bisou" associera cette démonstration sentimentale à la réussite de son dessin. Il est important que l'enfant se sache aimé sans conditions et qu'il n'y ait pas de corrélation entre sa personne et ce qu'il produit, que l'amour qu'on lui porte n'est pas conditionné à sa réussite.

10. Et enfin, si nous n'avons pas trop usé de félicitations, celles ci auront réellement du poids le jour où on les utilisera pour souligner un événement vraiment extraordinaire !

J'avais même un 11ème point, qui consistait à expliquer qu'il y avait plein d'autres façons de faire.
En effet, ne pas féliciter ne signifie pas être indifférent ou s'interdire d'exprimer son ressenti.
On peut manifester de l'attention sans utiliser des féliciations et bravos à outrance : décrire ce qu'on voit dans un dessin, sourire au regard interrograteur de l'enfant, l'inviter à exprimer son ressenti. Mais je garde l'idée sous le coude pour un prochain article, car j'avais dit 10 il y a surement beaucoup à dire également.
L'essentiel est d'avoir un regard bienveillant et de prendre le temps de manifester son (réel) intérêt, sans surjouer !



5 commentaires:

  1. Merci... justement j'y pensais en voyant l'attitude de ma "grande" (3 ans), qui attend non seulement des signes d'approbations, mais également que je la regarde faire (mais sans intervenir !). J'essaye maintenant de sourire simplement.
    Votre article m'a bien "parlé", votre analyse me semble pertinente.
    (puis-je mettre votre blog dans mes "liens favoris" sur le mien ?

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    1. Avec plaisir !
      Et félicitations pour votre blog qui vient de naitre :) Bonne idée les formes différentes comme repère sur la poutre !

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  2. Entièrement d'accord!
    Par contre, ce qui est pénible avec l'école, c'est qu'en deux temps trois mouvements, tout ce que vous avez construit patiemment sur ce plan (comme sur d'autres malheureusement) est par terre. L'approbation de la maitresse devient assez vite d'une grande importance...

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  3. Je m'intéresse depuis peu à la pédagogie Montessori. Pour l'instant, je lis et je médite. Je me rends compte que j'ai fait tout ce qu'il ne fallait pas faire (moi et l'école)avec mon garçon aîné. Il a 4 ans et demi. Il est aujourd'hui suivi par une psychomotricienne. Il fait des tas d'histoires pour ne pas aller à l'école où il est en moyenne section dans une classe de petits (par ces problèmes d'autonomie en motricité et dans le comportement). Je désespère de le voir s'épanouir. On dit qu'il faut que je le valorise, mais je n'y arrive pas. Je voudrais tant l'aider et réussir autrement l'éducation de mon petit qui a bientôt 8 mois.

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    1. Ne soyez pas si dure avec vous-même ! La meilleure façon de faire n'est pas celle qui est décrite dans les blogs ou dans les livres mais celle qui est dictée par notre coeur de maman et notre intuition. La meilleure façon de faire avec nos enfants c'est de faire de notre mieux, avec notre histoire, notre caractère, nos propres limites.
      Chaque jour je commets des erreurs qui me permettent d'avancer et il n'est pas question une seconde de culpabiliser d'avoir fait autrement pour l'ainée, d'avoir été moins disponible pour la deuxième, etc.
      Chaque enfant est différent, l'école a bien du mal à s'adapter à cette évidence...

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